Sous la III Répubique, la presse prend un essor très important,
lié à trois facteurs principaux. En premier, il faut placer
les progrès de l'alphabétisation des Français, dans les
villes puis dans les campagnes, ce qui suscite auprès du public, par
curiosité, la lecture des journaux. Ensuite, vient l'aspect technique
: l'impression
en continu des quotidiens sur des machines rotatives permet une grande production.
Dans le combat pour la liberté de la presse, il comprend trés
vite le rôle décisif que doit avoir
cette dernière dans la défense de la cause républicaine.
Au lendemain de la commun de Paris, on le vit soutenir de ses deniers nombre
de quotidiens soit lors de leur lancement, soit lorsqu'ils furent l'objet
de poursuites et d'amendes.
Il apporte aussi son appui à Jules Guesde, lorsque celui-ci fonde à
son retour d'exil l'hebdomadaire L'Egalité, qui devint le premier journal
marxiste Français.
Emile-Justin
Menier, grand industriel, mais républicain, échoue aux élections
de février 1871 qui voient le triomphe des droites, mais connaîtra
sa revanche puisqu'il sera élu député en février
1876 et ira siéger à l'extrême gauche. Or ce profil politique
inspire les caricaturistes, André Gill le représente en "député
de l'avenir", le dessin recycle des thèmes iconographiques appartenant
à l'imaginaire de l'eschatologie politique :
Menier y est représenté sur un bateau appelé Le
Noisiel, tenant à la main une longue-vue, cependant qu'à
l'horizon un soleil éclatant sort des flots. Or ce soleil était
un lieu commun de l'iconographie progressiste ou révolutionnaire depuis
le fin du XVIII ème siècle ; il avait tantôt symbolisé
la raison, tantôt la république ou bien la Révolution
ou encore, tous récemment, la Commune. Mais ici, c'est de tout autre
chose qu'il s'agit puisque, non sans ironie, le dessinateur a inscrit sur
le soleil levant les mots "Avenir, Liberté, Commercial".
C'était clairement ranger Menier dans la troupe multiforme de ceux
qui, au long du siècle, s'étaient posés en prophètes
de l'avenir. Et l'imputation était exacte, comme devait en témoigner
son activité ultérieure de publiciste, apôtre du libre-échangisme
et surtout de l'impôt sur le capital, qu'il devait défendre encore
en 1876 à la tribune de la chambre, sous les huées de la droite
et dans l'indifférence du camp républicain.
"Rimbaud
dans le texte" Par Yves Reboul
Presses Universitaires du Mirail (2007)