Marcelin-Pierre-Eugène
Berthelot naquit le 25 octobre 1827 au coeur du vieux Paris révolutionnaire,
place de Grève où se trouve actuellement l'Hôtel de Ville.
Son père, Jacques-Martin Berthelot, était médecin et
républicain dans l'âme. Chrétien et Gallican de l'ancienne
école, il était admirable de charité et de dévouement.
Vivant dans un quartier populaire, il soignait gratuitement la plupart de
ses malades ; il vécut et mourut pauvre.
Marcelin grandit au milieu du début du règne de Louis-Philippe
; il vit la maison paternelle transformée en ambulance, on y apportait
tout couvert de sang les gardes nationaux et les insurgés que son père
soignait.
Lors des épidémies de choléra, Marcelin suivait son père
dans ses visites.
Ainsi, enfant et adolescent, il reçut les plus hautes leçons
de dévouement et de solidarité.
Au collège, sa vive intelligence se manifesta de bonne heure par des
succès exceptionnels.
En 1846, il obtint au concours général entre tous les lycées
de France, la plus haute récompense universitaire : le prix d'honneur
de philosophie.
Ses études
terminées, il hésita sur le choix de sa carrière : il
pouvait aborder l'histoire, l'archéologie, la philosophie.
Guidé par les traditions et les souvenirs, il préféra
les sciences.
L'originalité de son esprit ne se pliait pas au niveau commun.
Evitant de se mettre à la suite d'aucun patron, il resta longtemps
dans une situation des plus modestes.
Préparation de la strychnine avec la noix vomique
L'insuccès
de la révolution de 1848 attrista Marcelin qui était républicain
et fils de républicain. Il ajourna ses espérances. Après
avoir travaillé au laboratoire du chimiste Pelouze, rue Dauphine, il
fit ses études médicales et entra en janvier 1851 comme préparateur
dans le laboratoire du chimiste Balard, au Collège de France.
Il avait un traitement de 800 Francs par an et pour vivre devait donner des
répétitions privées.
C'est dans ces conditions qu'il réalisa ses expériences sur
la synthèse chimique qui rendirent, dès lors, son nom fameux
dans le monde entier.
L'oeuvre scientifique de Berthelot est immense. Elle révèle
un des esprits les plus puissants et les plus équilibrés qu'il
n'y eut jamais, un génie philosophique, qui savait au besoin se spécialiser.
Parmi les grands savants du 19ème siècle, sa figure est peut-être
la seule qui rapelle encore celle des fondateurs, des génies universels
qui, au début des civilisations, pouvaient embrasser l'ensemble des
connaissances humaines.
Il se refusa toujours à tirer pour lui-même le moindre profit
de ses découvertes dont il abandonna le bénéfice à
la communauté.
Il fut cependant constamment sollicité de le faire.
Dès ses premières recherches sur les hydrocarbures d'hydrogène,
il trouva un perfectionnement dans la fabrication du gaz d'éclairage
qui constituait une éconnomie de plusieurs milliers de Francs pour
la compagnie du gaz.
Il rendit aussitôt sa découverte publique sans rechercher aucun
avantage personnel.
A maintes reprises, les plus grands industriels tels que Menier vinrent lui
proposer des associations ou l'achat de ses procédés sur la
fabrication synthétique des composés organiques.
Au cours de sa longue carrière, il ne prit pas un seul brevet et abandonna
toujours à l'humanité le bénéfice de ses découvertes.
Fabrication
du bleu de quinoléine
MARCELIN BERTHELOT A NOISIEL
"Monsieur
Delépine, Professeur au Collège de France et Membre de l'Institut
qui occupe la chaire de Chimie organique et qui fut autrefois celle du chimiste
Marcelin Berthelot, a retrouvé dans son laboratoire un cahier de
notes de son illustre prédécesseur qui a relaté, sur
ce cahier, la plupart des travaux qu'il a exécutés à
Noisiel de 1860 à 1864 lorsqu'il dirigait et contrôlait les
fabrications chimiques de notre Maison.
Mon père (Emile-Justin) avait ouvert ses laboratoires aux grands
chimistes d'alors, les Frémy, Balard, Sainte-Claire Deville, Laurent,
Würtz, Gréhant, etc ..., qui avaient toujours trouvé
à Noisiel les éléments nécessaires aux travaux
et recherches qu'ils effectuaient.
C'est alors que mon père, en 1860, avait obtenu le concours et le
contrôle du jeune et déjà illustre Marcelin Berthelot
qui poursuivait à Noisiel ses travaux de chimie synthétique
avec un vif succès."
Sur le cahier de notes, Marcelin Berthelot notait presque au jour le jour
ses importantes recherches et travaux sur les produits synthétiques
et entr'autres, on remarquera, à la date du 31 janvier 1862, la mention
: "Synthèse de l'alcool" qui consacrait, comme on le sait,
une des grandes découvertes de la chimie moderne."
Gaston Menier
MARCELIN BERTHELOT